Actualité du livre ancien et moderne

Enchères: 175.000 euros pour des manuscrits et lettres de Céline

Mis à jour le 11.05.11

Des manuscrits et lettres du génial et sulfureux écrivain Louis-Ferdinand Céline, témoignages de l’une des périodes les plus difficiles de sa vie, ont été adjugées 175.000 euros, annonce ce mercredi Artcurial.

Ces objets «balayent l’histoire la plus noire de Céline»

Dans ce lot, 36 lettres formant une correspondance inédite avec le docteur Alexandre Gentil, médecin militaire et ami de Céline, sont parties pour 99.700 euros, précise la société organisatrice de la vente, qui a eu lieu mardi. Ces lettres permettent de lever un coin de voile sur la personnalité complexe de l’auteur du «Voyage au bout de la nuit». Datant d’une période allant de 1939 à 1948, le lot comportait 36 lettres manuscrites, dont certaines sous enveloppe, des coupures de journaux, une carte postale et une photographie du visage de l’auteur qui a bouleversé la littérature française.

Sauvés in extremis par des descendants du docteur Gentil, ces objets «balayent l’histoire la plus noire de Céline, c’est-à-dire l’exil et la Deuxième guerre mondiale», expliquait avant la vente Olivier Devers, spécialiste ès livres et manuscrits chez Artcurial. «Ces moments très durs qui se vivent en France et en Allemagne, et pour l’écrivain du « Voyage au bout de la nuit »», ajoutait-il.

Prochaine vente aux enchères en juin

Céline part alors pour l’Allemagne et ne rentrera en France que sept ans plus tard, après avoir été emprisonné au Danemark. Son style éclate dans les lettres, où transparaît aussi son antisémitisme et sa misogynie, notamment à l’égard de sa secrétaire ou d’Elsa Triolet, la femme du poète Aragon.

A l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Céline, le 1er juillet 1961, une autre vente aux enchères proposera, le 17 juin à Drouot, près de 250 écrits de l’écrivain, dont plusieurs éditions originales du «Voyage au bout de la nuit». Le gouvernement a retiré Céline de la liste des commémorations nationales 2011 après des protestations d’associations juives.

20 minutes.fr

Birds of America, le livre le plus cher du monde

Par LEXPRESS.fr, publié le 09/12/2010 à 11:00

Chouette Harfang par Audubon

Birds of America, de John James Audubon, est parti à 7,3 millions de livres, soit 8,6 millions d’euro lors d’une vente aux enchères organisée par la maison Sotheby’s. Un record mondial pour un livre. Birds of America, vendu pour 7 millions d’euros en 2000, était déjà le précédent ouvrage le plus cher. Il ne reste qu’une centaine d’exemplaires de cet ouvrage réalisé en 1838 par Audubon, un ornithologue, naturaliste et peintre franco-américain cité à plusieurs reprises dans L’origine des espèces de Darwin. Birds of America est une collection de planches de dessins, estimée entre 4,8 et 7,2 millions d’euros avant la vente. Durant cette vente aux enchères, le premier folio de William Shakespeare a été vendu pour 1,8 millions d’euros.

Google va redonner vie aux livres épuisés de l’éditeur Hachette

De Myriam CHAPLAIN-RIOU (AFP)

PARIS — Google et Hachette Livre ont signé mercredi 17 novembre 2010 un protocole d’accord qui fixe les conditions de la numérisation par le géant américain des œuvres en langue française épuisées dont les droits sont contrôlés par le premier éditeur français et deuxième mondial.

Les livres indisponibles pourront ainsi revenir à la vie pour combler les lecteurs et assurer de nouveaux revenus aux auteurs, ayant-droits et éditeurs. Ces œuvres épuisées représentent environ 70% du fonds de Hachette Livre et des maisons d’édition qui font partie du groupe, soit de 40.000 à 50.000 ouvrages.

Ce sont essentiellement des œuvres de littérature générale, des ouvrages de référence, notamment ceux de Larousse, et des livres universitaires.

« Il s’agit du premier accord de ce type signé entre Google et un éditeur français », a souligné lors d’un point de presse Arnaud Nourry, PDG de Hachette Livre, ajoutant qu’il n’était pas exclusif et assurait « le respect du droit d’auteur français ». « C’est un symbole important et cela représentera un flux financier non négligeable », a-t-il relevé, sans autres précisions. L’accord doit être finalisé dans les six mois.

« Nos nouveautés sont, elles, toutes numérisées par nos soins », a-t-il noté.

« Les dispositions principales prévues au protocole d’accord ont vocation à être étendues à tous les éditeurs français qui le souhaitent », a-t-il affirmé.

Le reste de la profession n’avait pas encore réagi mercredi en milieu d’après-midi.

L?accord repose sur trois grands principes. D?abord, le contrôle de la numérisation des oeuvres : c?est Hachette qui détermine quelles sont les oeuvres épuisées exploitables en version numérique. Celles-ci pourront être proposées sous forme d?ebooks via Google Livres ou sous d?autres formes, comme l?impression à la demande.

Hachette pourra utiliser ces fichiers numérisés par Google pour les exploiter lui-même, et les libraires pourront intégrer ces ebooks dans leurs offres commerciales.

L’éditeur français pourra aussi en autoriser la distribution en ligne par différents canaux, y compris la future plateforme de e-books de Google, Google Editions, qui devrait être lancée « très bientôt », a indiqué Daniel Clancy, directeur de Google Livres.

« Cet accord de rupture ouvre une nouvelle ère dans nos relations avec les éditeurs français », a estimé M. Clancy.

Dans l’Hexagone, Hachette Livre se réserve également le droit de faire bénéficier des institutions publiques, comme la Bibliothèque nationale de France, des oeuvres numérisées dans le cadre de ce protocole.

« Il ne s’agit pas d?un quitus donné à Google pour son comportement passé, mais d’un cadre permettant de repartir sur de nouvelles bases, équitables, équilibrées et respectueuses de nos droits et de ceux de nos auteurs », a précisé Arnaud Nourry. « Chacun a le droit de continuer les poursuites judiciaires contre lui », a-t-il souligné.

Google a déjà numérisé en six ans quelque 12 millions d’ouvrages sans l’autorisation des éditeurs et contre l’avis des ayant-droits et fait l’objet de poursuites judiciaires, notamment en France.

Poursuivi par les éditions La Martinière et le Syndicat national de l’édition, Google a été condamné le 18 décembre 2009 pour contrefaçon par le Tribunal de grande Instance (TGI) de Paris. Si, depuis, le moteur de recherche a bien soustrait de son indexation des livres du groupe La Martinière, il a fait appel de la décision du TGI.

M. Nourry a par ailleurs annoncé mercredi que Hachette USA avait signé un contrat commercial avec Google Edition pour participer à l’offre de ce dernier aux Etats-Unis.

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Bibliotheca Alexandrina

Numérisation

L’équipe des chercheurs du centre de calligraphie de la Bibliotheca Alexandrina a accompli l’enregistrement de centaines d’inscriptions et écritures islamiques de La Mecque, foyer de la religion musulmane.

Un travail sur les joyaux

Le centre de calligraphie de la Bibliotheca Alexandrina a pour but d’étudier la naissance de l’écriture et l’histoire de la calligraphie à travers les différentes époques. Dans ce but, il a lancé un grand projet pour l’enregistrement numérique des inscriptions et écritures anciennes de différentes langues. Il s’agit du projet de « la bibliothèque numérique des inscriptions et des calligraphies antiques ». C’est toute une base de données documentant le patrimoine inscrit à travers les différentes époques historiques de différents pays du monde. Et c’est dans le cadre de ce grand projet qu’intervient en fait la numérisation des inscriptions et des calligraphies de La Mecque.

Plus de 850 inscriptions et écritures antiques de la ville sainte de La Mecque ont été déjà enregistrées sous forme numérique par l’équipe des chercheurs et des spécialistes du centre de calligraphie de la Bibliotheca Alexandrina. « Ces inscriptions racontent en effet l’histoire de la ville sainte. A travers ces inscriptions, on peut surtout réaliser les plus grands travaux exécutés à travers les différentes époques pour la restauration, la conservation et la reconstruction des différents éléments architecturaux de la mosquée Al-Haram de La Mecque ainsi que des autres constructions de la ville sainte », explique Dr Khaled Azab, directeur adjoint du centre de calligraphie. 150 autres inscriptions et écritures sont en cours de numérisation pour atteindre le nombre de 1 000.

La collection mise en numérique comprend, entre autres, les inscriptions sur la keswa (revêtement), les rideaux, la porte et les clés de la Kaaba. Celle-ci comprend également des inscriptions qui se trouvent dans la zone du puits Zamzam, du maqam (mausolée) Ibrahim, mais aussi au sein même de la Kaaba. « Ces inscriptions datent de la reconstruction et de la restauration de la mosquée Al-Haram à l’époque de différents rois et sultans musulmans de multiples pays, dont des Egyptiens, citons entre autres Bersbay, Qaïtbay, Barqouq et Abou-Gaafar Al-Mansour », indique Azza Ezzat, responsable de la bibliothèque numérique et présidente du département des recherches et de publication au centre de calligraphie. La collection comprend aussi des inscriptions d’autres sites se trouvant à La Mecque outre la mosquée Al-Haram, comme Ghar Sawer, Ghar Heraa, les mosquées de Aïcha, d’Al-Bayeaa et d’Al-Egaba, et la maison Al-Arkam Ibn Abi Al-Arkam. Autre curiosité : les différentes inscriptions et écritures sur les roches et les pierres qui se trouvent au long de la voie ancienne de pèlerinage, dont certaines datent des premiers siècles de l’islam. « Cette impressionnante collection d’inscriptions est en fait très importante, parce qu’elle représente d’importantes valeurs religieuses, historiques, artistiques et culturelles. En effet, ces inscriptions et écritures reflètent l’histoire du développement des inscriptions ainsi que de l’écriture arabe et ses différents types », souligne Azza Ezzat.

Après les inscriptions de La Mecque, les chercheurs du centre de calligraphie se préparent pour la numérisation d’une collection impressionnante d’inscriptions de Médine, la deuxième plus ancienne ville islamique, ainsi que celles des antiquités rares remontant à l’époque du prophète Mohamad. D’ailleurs, la sauvegarde du patrimoine arabe s’avère de plus en plus urgente suite à différentes sources de menaces, de perdition et de dégât.

Inauguré en 2003, le centre de calligraphie de la Bibliotheca Alexandrina est plus qu’une institution traditionnelle. Animateur de différentes activités et de projets de recherche, il se présente comme une académie moderne et ouverte sur le monde. « Le centre organise, entre autres, un forum sur la calligraphie, des expositions qui retracent l’histoire de l’écriture dans les différentes langues et cultures, ainsi que des stages concernant les hiéroglyphes et la calligraphie arabe. Un autre projet du centre est réalisé sous forme de CD visant l’enregistrement numérique d’un millier de calligraphies qui font partie des plus belles connues. Ce projet est réalisé en collaboration avec le Fonds du cheikh Zayed des Emirats arabes unis », explique Ahmad Mansour, directeur de la section de la langue de l’Egypte ancienne au centre de calligraphie. Le centre publie, édite et réédite des livres traitant de la calligraphie et des inscriptions.

Al Ahram  Amira Samir.

A Francfort, le livre (très) ancien connaît peu la crise

Loin de l’effervescence technologique et multimédia dont rivalisent fébrilement les producteurs de livres électroniques, la Foire du Livre de Francfort recèle, dans le pavillon réservé aux livres rares et anciens, une oasis de calme et de sérénité.

Les visiteurs y feuillettent avec un luxe de précaution de véritables trésors, comme cette édition originale de « L’origine des espèces » de Charles Darwin, une Bible magnifiquement illustrée datant du XIIIe siècle ou des équations griffonnées à la main par Albert Einstein.
Pour la première année, l' »antiquariat » a son espace réservé à la Foire de Francfort, à des années-lumières du brouhaha de la halle principale, avec son atmosphère frénétique et ses présentations tape-à-l’oeil de nouveautés high-tech.
Ici, le temps s’écoule bien plus posément. « J’ai même réussi à vendre un livre, hier », se réjouit Daniel Kretzer, un spécialiste des textes théologiques.
« C’était un texte catholique datant de 1768 », précise-t-il, tout en parcourant avec beaucoup de soin un ouvrage en latin finement relié.
S’offrir une tranche d’histoire comme celle-là n’est cependant pas donné. Le livre de M. Kretzer a trouvé preneur pour 480 euros. La mise à prix pour l’édition originale d’une carte espagnole de l’Europe remontant à 1588 est de 85.000 euros.
Malgré ces tarifs prohibitifs, M. Kretzer estime que les affaires ne tournent pas si mal. « La plupart de mes clients sont des pasteurs, des professeurs, des bibliothécaires, qui dépendent tous de fonds publics, donc la récession n’affecte pas trop notre secteur », assure-t-il.
Mais même dans ce sanctuaire des livres précieux à l’atmopshère confinée, on n’échappe pas tout à fait au débat sur la numérisation et sur les livres électroniques, qui accapare la 62 édition de la Foire.
« Comme tout le monde dans l’édition, nous ne savons pas exactement dans quelle mesure nous serons touchés par le numérique. Si tous les livres jamais publiés sont numérisés, alors cela devrait avoir un impact », estime M. Kretzer.
C’est justement ce qu’essayent de faire Dan Burnstone et sa société, ProQuest. Ils ont lancé un projet de mise en ligne de tous les livres publiés en Europe entre 1475 et 1700.
« Nous ne savons pas à combien de livres nous nous attaquons au juste, mais nous pensons que ça doit être autour du million », explique M. Burnstone, lors d’une présentation technologique dans la halle principale.
Ce projet nécessite de scanner des livres fragiles et précieux à travers toute l’Europe, une tâche longue et fastidieuse.
Dès novembre, environ 4.000 volumes de la bibliothèque de Florence (Italie) datant d’avant l’an 1600 seront mis en ligne, dont certains ouvrages majeurs de la Renaissance et des livres ayant appartenus à l’astronome Galilée.
Moritz Backhaus, 30 ans, qui travaille pour le courtier en livres anciens Antiquariat im Hufelhandhaus, est bien plus catégorique sur l’impact du numérique sur son secteur.
« Les gens qui achètent mes ouvrages n’en ont rien à faire du livre électronique. Ceux qui veulent l’oeuvre elle-même peuvent toujours trouver une version électronique sur Google Books. Mais si vous êtes un collectionneur, vous avez besoin de la copie physique », assure-t-il.
Il reconnaît toutefois vendre « assez peu » lors de la Foire et que « le gros de (son) activité se fait sur internet ».
« On ne peut pas reproduire le cachet d’un livre ancien sur un livre électronique », se moque Daniel Kretzer. « Mais au fond, personne ne lit vraiment ces livres là », glisse-t-il en feuilletant son volume vieux de plus de 300 ans.

Publié le 08/10/2010

Bouquinistes parisiens, chefs-d’œuvre en péril

Jean-Claude Galli 24/08/10 à 10h52
La Seine est le seul fleuve qui coule entre deux rangées de livres. Mais pour combien de temps encore ? Invasion de souvenirs bon marché made in China, vieillissement de la clientèle, concurrence d’Internet, les bouquinistes parisiens sont en péril.

Les bouquinistes dépendent de la ville, qui leur attribue  gratuitement, les emplacements sur les quais Les bouquinistes dépendent de la ville, qui leur attribue gratuitement, les emplacements sur les quais © SIPA « Ce sont des voleurs, des voyous, des gens qui ne connaissent pas le livre ! » Quai de la Mégisserie, Jean-Michel apostrophe ses « confrères » bouquinistes. Ces derniers, pris de panique, ne l’entendent pas. Il est l’un des seuls qui ait senti venir la pluie. L’un des rares qui sache encore lire la course des nuages dans le ciel de Paris. L’averse achevée, impassible, le geste précis, il sort de ses coffres en bois vert les ouvrages et les gravures mis à l’abri avec la même assurance, quelques minutes auparavant.

Le stock n’a pas reçu une goutte d’eau. A quelques mètres de là, le long du parapet, le tableau est bien différent ; beaucoup n’ont pas eu le temps de protéger leur marchandise. « C’est foutu, c’est tout foutu ! », crie un homme, capuche sur la tête, en brandissant une affiche détrempée. « Ce sont des ouvre-boîtes », lâche amusé Jean-Michel, présent sur les quais depuis une quinzaine d’années. C’est quoi des « ouvre-boîtes » ?

« Dans le métier, on les appelle comme ça parce qu’ils se contentent d’ouvrir et de fermer les boîtes. Ce ne sont pas des bouquinistes, ils louent les emplacements aux véritables propriétaires ou bien sont leurs salariés et encaissent les ventes pour eux. Ils n’y comprennent rien », explique cet ancien instituteur au physique encore adolescent. Mais comment peut-on s’occuper de livres rares et anciens si l’on n’y comprend rien ?

« Mais, ils n’en vendent pas ! Ils ne sont là que pour écouler des tours Eiffel en plastique et des portes-clés ! » assure t-il. « Suivez moi ! » nous intime le bouquiniste. A ses côtés, nous arpentons le quai Saint-Michel. « Regardez bien ces boîtes – il désigne les casiers tenus par une jeune femme d’origine asiatique –, les livres que vous apercevez à l’intérieur sont uniquement là pour la décoration. Le business, ça se passe dehors, sur les tables pliantes montées sur le trottoir. Avec les souvenirs, les sous-bocks, les magnets (images aimantées, NDLR), toutes les merdouilles à 1 ou 2 € ! » Force est de constater que les livres sont à peine visibles, masqués par des présentoirs de cartes postales ou des répliques de plaques de rues parisiennes qu’il faut écarter pour les atteindre.

Tentons le coup. Quai de Conti, nous portons notre attention sur un vieil ouvrage : des œuvres complètes de Lord Byron. « Est-ce une édition originale ? » demandons-nous au vendeur qui nous aborde. « Oui, bien sûr, regardez, les pages sont jaunies ! » répond-t-il, sans se démonter. Evidemment ! « Edition cartonnée, XIXe siècle, en double colonne », certifie, à voix basse, notre guide et expert.

« Autant allez vendre des salades sur le marché ! »

Rive droite et rive gauche, un conflit qui n’a rien de feutré se livre en bords de Seine. Il met aux prises les bouquinistes traditionnels comme Jean-Michel, vendeurs de livres d’occasion et de gravures originales, aux marchands de souvenirs et autres babioles, qui se sont emparé peu à peu des célèbres boîtes vertes accrochées aux parapets des quais de la capitale. Un bras de fer que tente d’arbitrer la mairie de Paris.

« C’est une invasion. Des conteneurs entiers, chargés de reproductions d’affiches, sont importés de Chine. Les gens ne viennent plus pour les bouquins ! » dénonce Marie, installée sur les quais depuis plus de vingt ans. Elle ne propose que des livres d’art, des ouvrages pour collectionneurs ou initiés. Ils ne sont plus qu’un tiers, comme elle, « à faire le métier ». Les autres se sont lancés dans le petit commerce. « Je mène peut-être un combat d’arrière-garde mais je préfère crever la dalle plutôt que de refourguer des trucs à touristes. Autant allez vendre des salades sur un marché ! », lance, révoltée, la quinquagénaire.

Le Moulin-Rouge, Le Chat Noir, Les Folies-Bergère, la Joconde, Babar… Aux abords de Notre-Dame, quai de Montebello et quai Saint-Michel notamment, on ne trouve plus que ça. Les affiches, tirées à des milliers d’exemplaires, sont vendues 2 € pièce, 5 € les trois ; les sous-bocks et les portes-clés 1 €. « Le plus lucratif, ce sont les serpillières », indique Jean-Michel. Les serpillières ? « Ce sont de fausses peintures, des photocopies de dessins sur lesquelles on ajoute de la couleur au pinceau. Elles sont fabriquées à la chaîne par des mômes, en Chine ou dans le XIIIe arrondissement (quartier chinois de Paris). Chaque gamin à sa couleur », précise-t-il. Vue de la tour Eiffel, du pont des Arts, de la Seine, etc. Quand ils se promènent le long des quais, les Parisiens se sont habitués à la présence de ses peintures de mauvaise facture (dont le prix s’élève de 30 à 60 €), sans trop savoir d’où elles proviennent.

“Une clientèle composée de 80 % d’étrangers”

« On ne peut pas vivre avec le livre. Nous n’en vendons qu’un à deux par semaine ! », se défend Murielle. Bouquiniste depuis 1971, elle s’est désormais convertie à la vente de souvenirs. Devant ses boîtes, à même le trottoir, se dressent quatre tables. Elles regorgent de bibelots et autres objets lookés ou estampillés Paris. « Ce qui nous permet de vivre, ce sont les affiches, les copies de gravures anciennes et, bien sûr, admet-elle, les souvenirs ». Tandis que nous la questionnons, un couple belge achète… 17 tours Eiffel en plastique ! « C’est pour les élèves de ma classe », explique l’acquéreur, instituteur à Liège. « Notre clientèle, c’est 80 % d’étrangers. A part, Le Petit Prince, de temps à autre, ou les BD, ils ne viennent pas ici pour acheter des livres. Même les gravures et les revues de mode, ils n’en veulent plus ! Les souvenirs, au mois d’août, vous ne vendez que ça », prétend Murielle.

Comment demeurer insensible au tourisme de masse qui, à la belle saison (de mars à octobre), s’empare des quais ? Comment résister à l’appât du gain ? Pour les boîtes installées près de Notre-Dame (l’emplacement le plus convoité car le plus rentable), on estime que la vente de souvenirs rapporte, à leurs propriétaires, entre 7.000 et 15. 000 € par mois. « Beaucoup de touristes n’ont que trois ou 4 € en poche, ça leur fait plaisir d’emporter quelque chose de Paris. Le tourisme est en train de nous tuer. En même temps, il faut bien donner quelque chose aux gens qui viennent visiter Paris… », reconnaît à contre-coeur Jean-Michel.

“La mairie de Paris veut faire le ménage”

Entre le désir de sauver un métier qui participe à l’image de marque internationale de la capitale et la prise en compte des réalités économiques et sociales, la mairie de Paris cherche le bon dosage. Les bouquinistes dépendent de la ville, qui leur attribue gratuitement, les emplacements sur les quais. Ils ne paient donc pas de loyer. « Ils ont commencé à faire le ménage, il y a un an, raconte Jean-Michel. Pas mal de boîtes (les moins rentables) étaient laissées en déshérence, ils ont récupéré les emplacements ». D’autres, financièrement au bout du rouleau, ont préféré jeter l’éponge. Ce mois de septembre, pas moins de cinquante nouvelles attributions d’emplacements sont attendues. Autant dire, une révolution sur les quais.

La technologie elle aussi est en révolution. « Les gens lisent moins, c’est un fait. Les nouvelles générations sont plus sur l’image. Les jeunes bibliophiles, il n’y en a pas beaucoup. On se demande d’ailleurs s’il faut introduire les nouveaux médias : les CD-ROM, le livre électronique… », expose Jean-Pierre Mathias, installé, depuis plus de quinze ans, quai de Conti, en face de l’Académie française. Quelle est sa clientèle ? « Des dinosaures parisiens ! Des personnes d’âge mûr, plutôt aisées. Et encore, ajoute t-il, les gens du boulevard Saint-Germain ne s’aventurent plus chez nous. Ils ont pourtant un gros pouvoir d’achat et le goût des ouvrages précieux. Mais comme la qualité moyenne de ce qu’on leur propose a baissée… Du coup, ils ne nous apportent plus leurs livres. C’est une source de qualité qui se tarie. » Les provinciaux ? « On ne les voit plus, ils n’ont plus un rond. Payer 200 € pour un ouvrage, ce n’est plus possible pour eux », note cet ancien professeur de philosophie.

« Moi, je ne m’y retrouve plus avec les jeunes », avoue Marie. « Internet, ça m’échappe. Le livre suppose du temps, de la patience, et ils n’en ont pas », juge t-elle. « Internet ? Ce n’est pas de la concurrence pour nous, considère pour sa part Jean-Pierre Mathias. Il y a des gens qui n’ont pas le temps de chercher, de fouiner. D’autres auront toujours besoin d’un contact physique avec le livre. C’est une question de personnalité et, c’est vrai aussi, de génération ».

Les bouquinistes en quelques chiffres

– 250 bouquinistes, répartis sur 3 kilomètres de quai
– 300.000 ouvrages rassemblés dans 1.000 boîtes
– 50 emplacements à pourvoir cette année

Les bouquinistes en quelques dates

– 1620, Paris compte déjà vingt-quatre bouquinistes agrémentés, regroupés sur le Pont-Neuf.
– 1789, le terme « bouquiniste » apparaît dans le dictionnaire de l’Académie française.
– 1802, Napoléon fait aménager les quais, les bouquinistes prennent possession des parapets.
– 1992, les quais de Paris sont classés par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité.

Arthur Rimbaud, la photo retrouvée

Deux libraires ont déniché une photo inédite d’Arthur Rimbaud

Une photo inédite d’Arthur Rimbaud, âgé d’une trentaine d’années, la seule de bonne qualité de lui adulte, prise à Aden en Abyssinie, a été découverte par deux libraires qui doivent la présenter ce jeudi soir 15avril 2010au Salon du livre ancien de Paris. Jusqu’à présent, on ne connaissait que huit photographies d’Arthur Rimbaud, dont quatre à l’âge adulte.

La photo, qui n’est pas précisément datée, a été prise à Aden, vers 1880, sur le perron du fameux Hôtel de l’Univers. Ce portrait faisait partie d’un lot d’une trentaine d’autres prises à Aden et découvertes lors d’une brocante par les deux libraires, Jacques Desse et Alban Caussé, deux jeunes quadras passionnés de découvertes sur l’histoire des livres et dont la librairie se trouve dans le 18e arrondissement de Paris.

Le  propriétaire de la photo était l’Alsacien Jules Suel, beau-frère de ce Dubar qui avait engagé Rimbaud, à son arrivée à Aden, dans la factorerie que dirigeait Alfred Bardey. «On voyait ce visage, ce type à l’oeil clair qui a l’air d’un extraterrestre au milieu des autres, un peu comme s’il était là et en même temps ailleurs», a raconté Jacques Desse.

«L’endroit où nous l’avons acquise et son prix importent peu. L’extraordinaire c’est que c’est un peu le chaînon manquant entre la célèbre photo du poète de 17 ans d’Etienne Carjat et quatre autoportraits réalisés dans des conditions très mauvaises avant sa mort en 1891», ajoute-t-il. Pour authentifier le cliché (9,6 x 13,6 cm), les deux libraires ont fait appel à Jean-Jacques Lefrère, spécialiste de Rimbaud et auteur d’une correspondance posthume sur le poète qui paraît jeudi chez Fayard.

Cet ouvrage, «Sur Arthur Rimbaud, Correspondance Posthume», montre comment toute la correspondance au sujet du poète, après sa disparition, a contribué à créer le mythe, alors qu’il était totalement oublié au moment où il est mort, selon la maison d’édition. Après de nombreux recoupements avec d’autres photos, des lettres et un travail minutieux de deux années, consistant notamment à vieillir la photo de Carjat et à analyser entre autres l’implantation des cheveux de Rimbaud, le cliché a été authentifié avec certitude.